Hommage à Hubert von Luschka

Hommage à Hubert von Luschka

Anatomiste, cartographe du corps – et point de bascule vers un autre rapport au vivant.

Une mémoire incarnée

Mon arrière-arrière-grand-père, Hubert von Luschka (1820–1875), fut professeur à l’Université de Tübingen. Anobli pour ses travaux en anatomie, il fit partie de ceux qui ont permis à la médecine occidentale de se structurer autour d’un corps organisé, normalisé, intelligible. Ses publications détaillèrent les organes, les nerfs, les conduits et les cavités. Il donna au corps une forme claire, reproductible, exploitable.

Il remplit le corps d’organes, au sens le plus concret : il traça les contours du visible, posa les fondements d’une clinique chirurgicale, et contribua à faire de l’anatomie une science de précision.

Une transmission renversée

Je lui rends aujourd’hui hommage. Mais cette reconnaissance va de pair avec un geste de retournement. Si son œuvre a rendu le corps lisible, il me revient aujourd’hui d’ouvrir un espace où le corps cesse d’être un assemblage d’organes.

Non pas pour effacer, mais pour aller au-delà de cette architecture.
Non pour rejeter, mais pour honorer autrement ce qui vibre en nous.

Vers un corps sans mémoire

Ce que je pressens, c’est un rapport au vivant sans recours à la mémoire.
Un être humain post-historique, non structuré par ses organes ni par l’histoire de sa maladie, mais présent à lui-même par une perception directe.

Un homme comme un nouveau-né, qui n’a pas besoin de se souvenir pour ressentir.
Un homme sans passé, sans savoir, mais pleinement présent à ce qui est là.

Un pont

Hubert von Luschka a dressé les murs et les fondations d’un édifice.
Je m’incline devant la rigueur de son geste.
Et je tends une passerelle — vers un espace où la vie précède la forme,
le témoignage prime sur le concept,
l’immédiateté du vivant reprend sa place.